Résilience urbaine en commun
Les rapports sociaux contemporains sont structurés par des logiques qui associent domination et exploitation et dégradation de l’environnement. Plutôt que de perpétuer les rapports de force existants, voire de les amplifier comme le fait l’approche libérale des politiques environnementales, plusieurs théoriciens de la transition proposent d’expérimenter des voies alternatives. Les communs sont une des dimensions de ces démarches, à la fois comme modalités d’organisation de l’action collective et comme partie de l’horizon politique proposé.
Contexte et problématiques
Parmi les plus connues des théories alternatives, on reconnaîtra sans peine le mouvement des villes en transition ou celui des Incroyables comestibles, qui chacun à leur manière animent des processus visant à développer la capacité des villes à encaisser les crises économiques et écologiques que représentent le pic pétrolier et le dérèglement climatique. Ces mouvements font porter l’effort du changement sur les communautés dans leur ensemble, plutôt que sur des gestes individuels quotidiens, ou bien sur des instances politiques à travers la législation. Leur action suit des modèles d’auto-organisation qui se réfèrent aux communs et déploie un discours fondé sur la notion de résilience.
Cas d’usage et expérience
R-URBAN, l’expérience présentée ici à travers une entrevue vidéo de dix minutes avec l’un de ses fondateurs, Constantin Petcou, est une stratégie de résilience urbaine basée sur le développement d’un ensemble de cycles locaux écologiquement et socialement vertueux articulant une série de domaines d’activités urbaines (économie, habitat, mobilité, agriculture urbaine, culture) et utilisant les terres urbaines de manière réversible. Cette initiative s’appuie explicitement sur une approche par les communs dans les réalisations. La gouvernance des dispositifs répond aux canons des communs que sont les principes mis à jour par Elinor Ostrom. Elle propose aux acteurs du territoire de co-construire leur action dans la sphère publique en associant les enjeux écologiques, sociaux, économiques et culturels et le récit de cette trajectoire pour faire droit à une ville durable, démocratique et solidaire.
R-URBAN a été développé en tant que projet pilote sur une période de près de dix ans dans la banlieue nord-ouest de Paris (Colombes, Gennevilliers et Bagneux). Le projet crée progressivement un réseau autour de trois Unités aux fonctions urbaines complémentaires et rassemble les projets citoyens émergents dans une logique de résilience.
Les trois unités pilotes comprennent :
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une Unité d’Agriculture Civique, qui consiste en une micro-ferme destinée à un usage collectif et familial ;
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une Unité de Recyclage et d’Éco-construction qui comprend un certain nombre d’installations qui génèrent une série de changements dans les habitudes quotidiennes des riverains et de l’administration urbaine en matière de recyclage ;
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une coopérative d’habitation écologique composée d’un certain nombre de logements expérimentaux, en partie construits par l’entreprise elle-même ;
Les trois unités pilotes fonctionnent de manière intégrée et en circuits courts. Elles sont reliées à d’autres installations urbaines, ce qui contribuera à accroître la capacité de résilience urbaine (autosuffisance, production locale et recyclage local, etc.).
Conditions de mise en œuvre ou de développement
Certains voient dans la résilience, une nouvelle norme de la politique environnementale structurée autour de la notion d’adaptation (plutôt que du changement systémique), qui perpétue les conditions de la manière productive de concevoir les rapports entre changement environnemental et société.
R-URBAN est une stratégie qui s’inscrit dans une logique de partenariat Public Commun. Les dispositifs qui s’y déploient font l’objet d’une gouvernance en commun. En reconnaissant et en développant les capacités de productions multiples (espaces verts productifs, habitat actif, économie locale, etc) et en les reliant entre elles, la stratégie R-URBAN montre qu’il est possible de travailler la robustesse de la pratique démocratique à partir de la réappropriation des biens communs et des dimensions concrètes de changement systémique. Ce type de stratégie explore des alternatives aux modèles actuels dominants de production et de consommation dans les villes, et notamment dans les banlieues et avec les populations qui appartiennent aux classes populaires. Elle s’appuie sur l’implication active des acteurs pour initier des pratiques collaboratives et créer des réseaux de solidarité, développer une économie communautaire plurielle dans ses formes et ses objets. Elle dynamise des cycles de production – consommation couvrant des domaines aussi larges et diversifiés que possible, permettant aux usagers d’améliorer les conditions de vie de leur communauté.
Le mouvement des communs gagne à se saisir de ces approches, d’une part pour éviter qu’elles ne soient mises en concurrence les unes avec les autres, et d’autre part pour multiplier les outils d’évaluation de leurs impacts dans les champs écologiques, économiques, sociaux et culturels et politiques à l’image des expériences de calculateurs des besoins fonciers de Terre de Liens. On peut donc considérer que l’approfondissement de la dimension du faire en commun offre un réel potentiel de dépassement des limites rencontrées habituellement dans les démarches basées sur la résilience, en re-politisant l’action et le discours des acteurs.