Reconnaître les communs culturels, Convention de Faro

Reconnaître les communs culturels, Convention de Faro

On a souvent une vision assez restreinte de la culture, comme un ensemble d’objets faits de pierres, de monuments, un patrimoine figé et officiel. Pourtant, la ville et le contexte municipal ne sauraient être définis sans les récits élaborés et partagés au sein des sociétés. C’est à leur contact, en recevant et en transmettant ces récits que la personne devient membre à part entière de la communauté qui l’entoure.

La Convention de Faro est l’un des mécanismes juridiques qui permet de reconnaître les pratiques culturelles comme des manières de déclarer et de réclamer les communs urbains. Elle trace un cadre pour des processus d’émancipation des personnes fondé sur l’exercice des droits culturels. Adoptée et mise en œuvre dans le contexte municipal, elle permet la reconnaissance du patrimoine populaire (architectural, culturel, linguistique, …) et le droit d’en bénéficier et de contribuer à son enrichissement, c’est-à-dire, la capacité de désigner ce qui fait patrimoine pour soi, de prendre part aux choix de sa mise en valeur ou de donner son avis sur l’usage qui en est fait.

Description

La Convention de Faro propose de reconnaitre à chaque personne, seule ou en commun, le droit de bénéficier du patrimoine culturel et de contribuer à son enrichissement. C’est-à-dire, à titre d’exemple, le droit de désigner ce qui fait patrimoine pour soi, de prendre part aux choix de sa mise en valeur ou de donner son avis sur l’usage qui en est fait.

Datant de 2005, est entrée en vigueur en 2011, la Convention de Faro (dont le nom exact est Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société) présente le patrimoine culturel comme une ressource servant aussi bien au développement humain, à la valorisation des diversités culturelles et à la promotion du dialogue interculturel qu’à un modèle de développement économique suivant les principes d’usage durable des ressources.

La définition du patrimoine prise en compte inclut tous les aspects de notre environnement résultant de l’interaction dans le temps entre les personnes et les lieux. Ce patrimoine n’est ni statique, ni immuable. Au contraire, notre action humaine le définit et redéfinit en permanence.

La convention de Faro s’inscrit dans une logique de reconnaissance effective des droits culturels. Ceux-ci visent à garantir à chacun la liberté de vivre son identité culturelle, comprise comme « l’ensemble des références culturelles par lesquelles une personne, seule ou en commun, se définit, se constitue, communique et entend être reconnue dans sa dignité » (Déclaration de Fribourg sur les droits culturels, 2007).

Pour Irene Favero, coordinatrice de l’ouvrage Neuf essentiels pour penser la culture en commun(s), les droits culturels sont un levier pour l’effectivité de tous les autres droits de l’Homme, parce qu’ils s’intéressent à l’ensemble des domaines de la vie d’une personne.

“La notion de capabilité est donc centrale lorsque l’on parle de droits culturels. Nous parlons de la capacité de chacun à pouvoir être citoyen, en étant en confiance dans une interaction émancipatrice, à la fois individuellement et collectivement.
Il s’agit donc de l’expression d’une identité individuelle qui ne se développe pas seule, mais au contact de ressources, de récits, de communautés. C’est à cet endroit notamment que l’on peut relier la question des droits culturels à celle des communs.”
- Irene Favero (Source)

Aujourd’hui, les droits culturelssont inscrits dans la Loi (Loi NOTRe, CAP) et relèvent de la responsabilité des collectivités locales comme de l’État. La Loi ne suffit pas pour autant à ce que les droits culturels soient pleinement pris en compte. La convention de Faro n’a pas, à ce jour, été signée par la France alors que la Loi NOTRe est entrée en vigueur et que leur base juridique et leur intention sont les mêmes. 1

Expériences / Cas d’usage

La Coopérative de résidents Hôtel du Nord

Hôtel du Nord est une coopérative de résidents, située dans les quartiers nord de Marseille, qui applique les principes de la Convention de Faro. Créée en 2011, elle est membre du réseau de la Convention de Faro qui coopère avec le Conseil de l’Europe sur l’interprétation et l’application de la Convention en Europe.
La coopérative d’habitants Hôtel du Nord s’appuie sur une série d’actions de valorisation du patrimoine de leur territoire :

  • un réseau de 30 à 40 chambres ou gites urbains qui accueillent voyageurs, travailleurs, étudiants, familles accompagnant des patients à l’Hôpital Nord, etc.
  • la production de savoirs partagés ( balades patrimoniales, productions artistiques, séjours-ateliers, expérimentations collectives…)
  • la valorisation citoyenne du territoire au travers des projets et des partenariats
  • la diffusion de produits locaux qui mettent en valeur les histoires des lieux, des savoir-faire et des habitants.

Ses membres œuvrent à la préservation de leur identité et de leur patrimoine culturel à travers le développement de l’hospitalité chez l’habitant et dans la région. Enfin, la coopérative s’appuie sur la Convention de Faro pour mobiliser la puissance publique au service de ce projet.

Conditions de mise en œuvre ou de développement

Le Plan d’action de la Convention de Faro

Le Plan d’action de la Convention de Faro donne accès aux États membres du Conseil de l’Europe à des connaissances et à une expertise de terrain pour mieux comprendre et mettre en œuvre les principes de la Convention. Il offre également une plateforme d’analyse et de recommandations pour affiner et encourager les nouvelles actions au sein des États membres signataires.

Le réseau de la Convention de Faro

Le Réseau de la Convention de Faro consiste en des groupes d’acteurs de terrain et de passeurs menant des actions locales dans les villes et régions des États membres du Conseil de l’Europe qui cherchent à valoriser leur patrimoine local conformément aux principes de la Convention de Faro. Le Réseau de la Convention de Faro se compose d’un nombre croissant de « communautés locales » qui appartiennent à un réseau paneuropéen dynamique et échangent leurs vastes connaissances et expertise et leurs outils dans le cadre d’une coopération et d’un dialogue constructifs.
Le Réseau de la Convention de Faro accompagne les communautés patrimoniales locales qui souhaitent démocratiser la gouvernance du patrimoine sous l’égide du Conseil de l’Europe en faisant connaître ces bonnes pratiques locales au niveau européen.

Enjeux, leçons apprises de l’expérience

Les retours d’expérience de l’Hôtel du Nord 2 nous informent notamment des enjeux suivants :

Sortir d’une vision étroite du patrimoine

Avec la coopérative Hôtel du Nord, « on sort donc d’une définition étroite du patrimoine. Il s’agit plutôt de reconstituer l’histoire complexe, à travers les traces, les mémoires et les archives, de ces quartiers méconnus et de leur diversité : les campagnes, les bastides, les villégiatures, l’avènement industriel, les infrastructures, les cités ouvrières, les bidonvilles, les grands ensembles, les grosses industries et leur démantèlement successif. Il s’agit de construire la mémoire de ces lieux, appelés encore villages et de rendre compte de la vie quotidienne à travers l’histoire industrielle et migratoire, coloniale… avec les intéressés. »

Formalisation administrative

L’une des clés de l’inscription de ce projet dans la durée aura été la mise en place de structures administratives collectives pérennes, qui ont permis de soutenir les différentes actions et de fédérer une vraie diversité d’acteurs locaux. Comme le dit Michèle Jolé :

« L’aventure à Marseille commence en 1995 avec la création d’une Mission expérimentale européenne de patrimoine intégré. (…) Elle compte aujourd’hui vingt partenaires, huit communautés patrimoniales, deux fédérations de comités d’intérêt de quartier (CIQ), des entreprises et associations, partenaires ponctuels des Journées européennes du patrimoine, les institutions culturelles du secteur et la coopérative Hôtel du Nord »

Communauté d’enquêteurs locaux

Enfin, la coopérative Hôtel du Nord s’est efforcé de construire un réseaux d’habitants arpentant le territoire, et que l’on peut qualifier de « communauté d’enquêteurs locaux ». Ce sont eux qui ont recenser et cartographier les différents éléments du patrimoine populaire des quartiers nord de Marseille :
« La tâche essentielle consistait à mobiliser et à mettre en relation les gens concernés, qu’il fallait d’abord reconnaître et motiver, autour d’objets à identifier, à explorer, à valoriser et à présenter à un public – lui-même à constituer – pour faire de toutes ces découvertes un bien commun ».

Ressources

Droits culturels :

Convention de Faro :

Hôtel du Nord :


  1. Hôtel du Nord. La construction d’un patrimoine commun dans les quartiers nord de Marseille, Michèle Jolé, Métropolitiques.eu, 04 janvier 2012 

  2. Du droit au patrimoine aux droits culturels des personnes par Prosper, sociétaire et gérant de la coopérative d’habitants Hôtel du Nord, 23 janvier 2020 

Fiche réalisée par

  • Sylvia Fredriksson
  • Marin Schaffner
  • Frédéric Sultan

Publiée le