Acculturer les administrations aux communs, 27e Région

Acculturer les administrations aux communs, 27e Région

La 27e Région joue le rôle de laboratoire de transformation publique ; avec ses partenaires et adhérents, elle imagine et invente les services, les administrations et les modes d’action publique de demain. Constituée en association indépendante, elle fait l’hypothèse d’un espace pluridisciplinaire, réflexif et expérimental pour construire les futurs souhaitables de l’action publique. Elle s’appuie sur une communauté de praticiens et d’agents à travers toute la France et un peu au-delà, mobilisant des méthodes inspirées du design, de l’ethnographie et de la culture maker, des approches à l’œuvre en dehors de nos frontières, l’expertise d’usages des citoyens et des agents directement impliqués.

Depuis 2018, La 27e région a impulsé un programme exploratoire sur les communs et l’action publique, avec plusieurs partenaires français: POP, Savoircom1, Esopa Productions, les villes de Brest et de Grenoble et la Métropole européenne de Lille, avec le soutien du programme Erasmus + de l’Union Européenne : Enacting the commons. Pendant 2 ans, il nous permet de mener ensemble plusieurs voyages d’exploration pour comprendre comment les communs transforment l’action publique dans différents territoires européens. L’objectif : s’inspirer des initiatives de nos voisins, échanger sur nos questionnements respectifs et apprendre des outils et mécanismes que chacun expérimente.

Problématiques

Ces voyages nous permettent de croiser, avec cette notion de communs différents champs de politiques publiques : le logement, les friches, l’agriculture urbaine, le patrimoine, la mobilité, etc. Ils nous conduisent à interroger comment une approche de co-administration, transforme l’action publique, dans ses modalités, dans ses formes, etc. ? Que vient elle apporter au regard des approches habituelles : un mieux disant démocratique? une nouvelle forme d’engagement civique ? une façon plus efficiente de répondre aux défis des territoires (prendre soin de la ville, des ressources naturelles, du vivre ensemble, etc.) en construisant de nouvelles alliances ? etc.

Ils nous confrontent à des postures de l’acteur public au regard des communs, qui nous paraissent assez nouvelles et inspirantes (intermédiateur, partenaire, co-producteur de communs, etc.), s’appuyant sur des leviers inventifs (nouveaux mécanismes juridiques, économiques, nouveaux métiers et pratiques, etc.)

Ils nous amènent également à observer comment l’action des commoners vient parfois compléter, enrichir l’action publique (ouverture d’espaces à destination des habitants, émergence de services pensés ‘en commun’ et mieux adaptés, par exemple,) ; parfois, comble un retrait de celui-ci (les solidarity schools à Athènes par exemple) ; parfois, vient poser une alternative, radicale, au modèle proposé par l’acteur public (le community land trust de Bruxelles par exemple) … les trois axes restant souvent sujet à débat.

Ils viennent nous interroger sur ce que serait le déploiement d’une telle approche: si les villes peuvent co-administrer des jardins partagés ou la vacance foncière, pourraient elles également déployer une approche en commun sur les politiques d’alimentation ou leurs stratégies de peuplement, par exemple ?
Ils viennent, évidemment enfin, nous questionner sur les controverses qui accompagnent ces approches : action publique en commun ou retrait de l’acteur public ? nouvelle forme de vitalité citoyenne, ou avatar de la reproduction sociale, voire de la gentrification ? etc.

Enjeux

En quoi tout ceci a-t-il à voir avec le design des politiques publiques et de transformation des administrations, que nous expérimentons depuis plus de dix ans ? Les logiques de commun viennent challenger les cadres et modes de fonctionnement administratifs pour les collectivités qui souhaitent s’y investir. Par exemple :

  • Du coté des cadres juridiques, elles viennent se frotter aux principes de propriété privée (en la décalant vers le droit d’usage), à la notion de responsabilité de l’acteur public face aux risques, le statut de ses contributeurs, etc. Quid du statut des contributeurs de Sauvlife, qui s’apparentent presque à des pompiers, mais qui ont également la liberté de ne pas intervenir ? Dans le cas du lycée, comment rendre possible un usage multiple d’un équipement public réservé à des mineurs ? etc.
  • Du côté des modes d’organisation et des modèles managériaux, elles impliquent une transformation du fonctionnement et de la culture de l’administration : revaloriser et faire évoluer le rôle des agents de terrain, faciliter la transversalité, le mode projet, etc. pour accueillir les initiatives des commoners et concrétiser les projets sur le territoire ;
  • Du côté des mécanismes de financements et de participation, elles invitent enfin à renouveler les modèles de coopération entre administrations et parties prenantes du territoire: inventer de nouvelles postures et interfaces pour stimuler les coopérations, des logiques plus ascendantes et horizontales, la construction de synergies plus que la compétition. etc.

Ces voyages nous amènent enfin à porter un regard nouveau sur des approches menées en France (fifty fifty à Loos en gohelle, budgets participatifs, etc.) et des outils déjà existant (baux emphytéotiques, SCICs, etc.), qui ne se réfèrent pas toujours aux communs, mais participent d’un mouvement vers de nouveaux partages de pouvoir entre les parties prenantes d’un territoire. La notion de commun permet de les rattacher à un cadre de lecture commun, pour en stimuler l’expérimentation.
Comment ces initiatives existantes, pourraient-elles se renforcer, les personnes qui les portent partager et enrichir leur expériences, les inspirations venues d’ailleurs impulser d’autres envies et expérimentation, faire mouvement et fabriquer un nouveau récit politique ?

Conditions

Si la 27e région et ses partenaires, au travers de ce projet, ne portent pas d’action de plaidoyer en tant que telle, ils visent plutôt à mettre en valeur des démonstrateurs des conditions, leviers possibles, bénéfices, difficultés et controverses d’une approche “en commun” de l’action publique. Une communauté d’agents et de commoners nous semble émerger au travers du projet et des initiatives portés par chacun de nos partenaires, qu’il serait pertinent d’outiller, d’animer. Il nous semblerait intéressant enfin de contribuer à des projets de recherche action qui viendraient tester, en France, de telles modalités.

Fiche réalisée par

  • Sylvine Bois-Choussy

Publiée le